C'est sur l'hippodrome de CHAMIERS , tout près de PERIGUEUX, qu'eut lieu sur trois jours les 22,23 et 24 Avril 1911 le premier meeting aérien de la DORDOGNE.
Tout a été prévu pour attirer et accueillir la foule : train spécial sur la ligne PERIGUEUX-RIBERAC, service médical assuré par les dames de la Croix-Rouge, service d'ordre par une compagnie du 50eme ...
On a construit tout spécialement trois hangars pour abriter les aéroplanes, et dès le premier jour les curieux s'y pressent pour découvrir ces drôles de machines.
Quatre pilotes animent ce meeting.
René LABOUCHERE
Il pilote un biplan Farman "flambant neuf, élégant et robuste" , qui décolle "très facilement au premier essai et atterrit avec une aisance remarquable" , devant cinq mille spectateurs.
Il effectuera même un vol avec un passager...
Monsieur FISCHER
Après avoir déjeuné sous le hangar, il effectue un vol parfait sur son biplan et se pose avec "une légéreté surprenante après avoir plané au dessus de la gare et évolué sur le quartier Saint-Martin". D'une main de maître, le pilote "conduit son avion exactement devant la porte de son hangar", à la grande surprise des spectateurs.
Marthe NIEL
Elle fut la première femme à avoir obtenu son brevet de pilote à l'Aéroclub de France.
Marthe NIEL, surnommée "la femme oiseau" provoque l'engouement du public et devient l'héroïne de la manifestation.
Son monoplan est qualifié par les journalistes de l'époque comme "gracieux, semblant un énorme papillon élargissant ses ailes d'or autour de son corselet".
Tout d'abord, "serrée dans un manteau de laine blanche, coiffée d'un polo rouge", elle suivra des yeux les évolutions de son propre appareil "monté" par FRANTZ , son tout jeune mécanicien de dix sept ans , dont le brevet n'a guère que trois mois.
Enfin , à son tour, elle fait frémir la foule en frolant la cime des arbres qui bordent la route de Bordeaux, et pique du nez à l'atterrissage. Il y a heureusement plus de peur que de mal : "La béquille correspondant aux roues des patins est cassée et les bouts des deux ailes de l'hélice sont éraflés".
Monsieur MALLARD
Il devait arriver d'ANGOULEME dès le premier jour par la voie des airs, mais la brume l'empêcha de partir. Il n'arrive à CHAMIERS que le deuxième jour , avec son monoplan remorqué par une automobile, ce qui fait mauvaise impression et provoque des commentaires acides de la part des journalistes : on trouve ainsi "l'appareil de MALLARD fort différent de celui de Mme NIEL. Il est loin de donner l'impression de légéreté et de sûreté des autres aéroplanes. Il est bas, écrasé et semble un insecte massif à courtes pattes, aplati devant l'élégant papillon" de Mme NIEL.
MALLARD ne paraît pas entendre ces quolibets, et monte le plus vite possible son "engin hideux".
Sans prendre garde à la forte brise, il s'envole péniblement. Les articles de presse relatent la suite : "tandis qu'il plane à faible hauteur, son élan le porte vers le pylone soutenant les fils conducteurs d'énergie électrique. il l'aperçoit trop tard pour l'éviter et l'appareil va littéralement se piquer sur le mât de fer où il se fiche comme un pieu. (...) Le pylone a éventré le moteur d'où coule une huile rougeâtre que de loin on prend pour du sang et cette illusion d'optique impressionne cruellement les spectateurs".
MALLARD ressemble plus à cet instant à un Don Quichotte qu'à un chevalier du ciel. "Immobile sur son siège pour ne pas rompre l'équilibre instable de son appareil embroché, il attend qu'on vienne le délivrer".
Pauvre MALLARD! Après avoir ainsi perdu toute sa dignité, il ne lui reste plus guère qu'à remercier les organisateurs d'avoir eu l'idée géniale de faire couper le courant électrique pendant la durée du meeting.
C'est le photographe PORTAS, de PERIGUEUX, qui fut seul autorisé à prendre et à mettre en vente les portraits des aviateurs et de leurs appareils. Remercions ainsi ce talentueux photographe, qui me permet aujourd'hui d'illustrer quasiment minute par minute le déroulement de ce meeting, y compris l'accident de l'infortuné MALLARD.
Au passage, je note que PORTAS était également un commerçant avisé , car il utilisa et vendit ses propres clichés pris à Chamiers de Mme NIEL pour le meeting auquel participa cette dernière à GAILLAC les 20,21 et 22 Mai 1911 (la photo de Mme NIEL légendée Gaillac Aviation est la reprise d'une carte Périgueux-Aviation).
Pour le commentaire de cet article, je me suis essentiellement servi de l'ouvrage de Jean-Claude CARRERE "COULOUNIEIX-CHAMIERS Histoire et histoires", paru en 11/1998 aux éditions FANLAC, et qui reprend de nombreuses citations des journaux de l'époque "L'Avenir de la Dordogne" et "L'Argus du Périgord".